Laisser les langues se délier (Amethyst)

Ce n’est pas vraiment le moment de faire une pause. Pourtant, tu en as décidé autrement. Accoudée sur ton chariot de linges propres, tu attends que le temps passe. Bien sûr, si ton responsable passe à ce moment là, il est clair que tu te feras engueuler. Mais tant pis, tu prends le risque. T’as besoin de prendre cinq minutes, de laisser planer ton esprit et de penser à autres choses qu’à ces suites rendues crasseuses par les passagers. T’en as marre de ce boulot alors que cela ne fait même pas deux mois que tu as commencé cette grande épopée. Tu traines des pieds, avançant jusqu’à la porte suivante. Tu imagines déjà le pire à l’intérieur. Une odeur de renfermé, des fringues mal rangés ou encore des restes d’une soirée endiablée. Tu aimerais pouvoir râler sauf qu’ici, comme partout ailleurs, le client est roi. Le client est là pour se prélasser, pour se détendre, ce n’est donc pas à lui de tout ranger. Tu frappes un premier coup pour des questions d’intimité mais n’ayant pas de réponse, tu utilises ton propre badge pour rentrer et commencer à nettoyer. Tu as été médisante pour une fois. Le lit est déjà fait et une odeur de parfum à la rose embaume la pièce. Pour une fois, tu vas prendre plaisir à faire la chambre et la rendre encore plus accueillante qu’elle ne l’est déjà.
Tu laisses la porte ouverte, le chariot dans l’entrée pour montrer que cette cabine n’est pas entrain de se faire cambrioler et tu lances dans le ménage. Alors que d’habitude, on t’entend presque marmonner, à haïr les passagers, cette fois c’est différent, puisque te voilà à chantonner. Et quand tu reviens vers ton chariot pour mettre les draps sales dans la caisse prévue à cet effet, tu vois une jolie chevelure brune passer dans le couloir. Un petit sourire s’affiche sur ton visage et tu alpagues la jeune femme qui a l’air de prendre sa pause. "Ame !! Qu’est ce que tu fais ? C’est ta pause ?"

Depuis que j'étais montée à bord du Pacific Star au sein de l'équipage en tant que serveuse, je constatais que les jours défilaient mais ne se ressemblaient pas. Chaque jour avait sa petite spécificité. Ce matin par exemple, j'avais oublié de prendre mon téléphone sur moi en sortant de ma cabine. Ce n'était qu'à la fin de mon service que je m'en étais rendue compte. Eh merde fallait absolument que je retourne à ma cabine avant d'aider mes collègues à finir ce qu'ils étaient en train de faire. En vagabondant dans les couloirs au sein du bateau, je constatais qu'un chariot d'entretien se trouvait dans le couloir, ce qui signifiait qu'un agent était en train de tout nettoyer et qu'il y avait de grandes chances que je l'a connaisse. Du moins si c'était Madeleine. J'entendais une demoiselle chantonner mais je ne réussis pas à reconnaître ce qu'elle chantonnait. Lorsqu'elle sortit de la chambre, je reconnu directement sa silhouette ainsi que les traits de son visage. « Mad !! J'ai oublié mon téléphone dans ma cabine comme une gogole. Je vais le récupérer. Et toi tu t'en sors ma belle ? ». J'étais ravie de l'a voir car nous n'avions pas l'occasion de nous croiser tous les jours et de prendre le temps de discuter. Bien qu'on travaillait toutes les deux au sein de l'équipage, en réalité rare étaient les moments où on avait le temps de faire tout ce qu'on voulait quand on voulait.