(ELLA) The sky broke like an egg into full sunset and the water caught fire.

Miami. Morgan y avait déjà été quelques fois, dans sa jeunesse. Il se souvient des longues heures de voyage, en voiture et en avion - et dieu sait qu'il détestait se retrouver enfermé dans des espaces trop confinés avec aucun moyen de s'échapper - en charmant compagnie de sa famille qui ne faisait que râler des conditions horribles qu'offrait une destination aussi longue. Horrible est un bien grand mot quand on ne goûte pas au manque de confort et d'espace de la classe économique. Mais que voulez-vous, Morgan avait des proches assez ingrats et qui chipotaient pour pas grand chose. Aussi loin qu'il s'en souvienne, jamais le jeune homme ne s'est comporté ainsi. L'argent ne lui avait sans doute pas grillé les neurones, et heureusement pour lui, sinon il aurait été bien malheureux quelques années plus tard, à se retrouver à la porte de chez lui sans un sou en poche...

Bref. Miami. Chaud, humide, dénué de charme à côté des quartiers parisiens qu'il avait l'habitude d'arpenter. Il ne s'en souvenait pas comme d'une destination de rêve. Mais voilà qu'il était de retour, sans trop savoir pourquoi. Enfin, si, il savait pourquoi. L'embarquement au sein du Pacific Star s'y tenait pour bientôt, et il n'avait pas le temps d'attendre que la croisière ne débarque en France. Il avait besoin de s'enfuir maintenant. Loin de tout, loin de sa vie, loin de ses soucis... Quel ingrat direz-vous ! Pire que ses trois sœurs qui se chamaillaient pour un vulgaire bout de tissu imprimé à trois milles balles. Pourquoi se plaignait-il de sa situation, alors qu'il avait réussi? Par ses propres moyens qui plus est. De quoi être fier d'être la coqueluche de la cuisine gastronomique française, de toucher un bon salaire, et d'avoir des offres d'emploi à travers le monde à ne plus savoir quoi en faire. Fier, oui, ça il l'était. Seul, cela dit, il l'était aussi. En manque? Oh que ouiii. Morgan inspira une longue bouffée de nicotine qui vint lui brûler le fond de la gorge, pour tenter de refouler cette envie macabre de s'envoyer un rail. Agité mais fatigué de son voyage qui lui avait paru sans fin jusqu'ici, il admirait pensif le paysage marin s'étendre à des kilomètres en face de lui. Le soleil se couchait petit à petit sur l'horizon bleue, ce qui offrait un spectacle magnifique au français et aux passants. Il essaya de chasser toutes ses pensées récalcitrantes dans un coin de sa tête.

A côté de lui, son sac à dos, posé à même le sol et retenu par la barrière qui le séparait lui et l'océan. L'envie de se déshabiller et s'y jeter lui traversa l'esprit quelques secondes, avant de se raviser. Il est vrai qu'un bain vivifiant dans l'eau salée lui remettrait les neurones en place, mais avec la fatigue et le jetlag, il trouverait bien un moyen de se noyer comme un con. Et même s'il avait des tendances auto-destructrices très au point, il n'avait pas envie d'y rester. Du moins pas encore. Il a encore au moins une vingtaine d'années avant que son angoisse de vieillir ne revienne et qu'il se jette sous un train pour accélérer l'inévitable. Ah les angoisses...

Tu te baladais avant d'embarquer, regarder un dernière fois miami avant de filer à l’anglaise encore une fois. Partir, découvrir, se réinventer. Tu étais friande de tout ça, de cette aventure qui se prolongeait. Bien sur, tes parents te manquaient parfois, mais ça faisait tellement d’années que tu n’avais plus essayé. Tu arrivais alors sur la jetée, attirée par l'horizon, la beauté du paysage - pas la ville hein la nature - et tu t’arrêtes devant un jeune homme. Il te dit quelque chose. Ou alors tu rêves. Il t’arrive, parfois, quand les planètes sont alignées, de te montrer sociable. En général, ça fait peur aux gens. Ceux qui ne savent pas. Tu souris. - Dis moi tu serais pas de l’équipage du Pacific Star ? Ta tête me dit quelque chose. sinon désolée, j’ai peut être fumé. - Tu fumais rien, jamais. Tu buvais, ça oui, mais le reste c’était pas ton trip. D’ailleurs t’avais jamais pu embrasser un type qui puait la cigarette ou autre. Heureusement, ton gars, il sentait bon. - Moi c’est Ella sinon. - quand tu te rends compte que les gens normaux, eux, quand tu les abordes, il te parlent même si tu les connais pas ou n’est pas payée pour leur répondre.