Beginning of the end (jack)

Tu souffles enfin. Le service du soir a frôlé la catastrophe et tu es passé à deux doigts de mettre les gens dehors tellement tu n'as pas été sûr de les servir. Deux serveurs se sont portés pâles et les fours ont décidé de tous lâcher sur la fin du service. Tu as même dûr refuser des clients, chose que arrivait rarement mais tu ne pouvais décemment pas les accueillir. Tu courais partout et aboyais des ordres. Tu allais perdre patience, en fait tu a été exécrable avec le personnel. Tu avais cherché Jack pendant toute la soirée, il était introuvable. Tu avais donc du gérer tout seul, encore une fois. Et c'est tout seul que tu fais la fermeture, dépité. Ce travail était en train de t'user et tu entamais juste la trentaine. Certes, tu avais bien profiter des années plus tôt, mais là, tu avais juste envie de jeter l'éponge. Tu te sers un verre au comptoir du restaurant, tu laisses même la bouteille sortie, tu en auras sûrement besoin de plusieurs. La salle est plongée dans le noir, tu vois les derniers touristes se balader dans la rue. Tu bois une gorgée de l'alcool brûlant mais tu ne grimaces même plus à son passage, question d'habitude. Tu regardes l'heure, près de minuit. Tu dois encore regarder aux fours qui t'ont lâché plus tôt dans la soirée et vérifier les planning du week-end. La lassitude pesait sur tes épaules, tu avais l'impression d'avoir fait le tour. Tu l'aimais ce boulot, ce restaurant, vous l'aviez monté comme des grands, tu en étais fier. Mais tu réalises que tu avais besoin de plus. Et ta relation avec Jack ne t'aidait pas, ou plus du moins. Y a des soirs comme ça où tu as juste envie de tout envoyer balader, de tout plaquer et recommencer de zéro, ailleurs. Mais tu as du mal à te projeter ailleurs sans Jack. Tu en reviens toujours à lui et ça te tue à petit feu. Tu te ressers un verre et observe le fond de la bouteille, tu sais qu'elle n'y survivra pas, ta fierté non plus. Tu décides finalement d’aller vérifier tes fours avant de finir ta bouteille car tu sais que dans un quart d’heure, tu n’es plus bon à rien. Tu laisses la bouteille de whisky sortie, comme une promesse et passe en cuisine.

Tu restes devant le four pendant tu ne sais combien de temps, les bras croisés, comme si ce dernier allait se mettre à parler et te dire ce qui n'allait pas. Tu vérifies les branchements et tout ce qui peut être dans tes cordes. Mais tu laisses tomber après quelques minutes de recherches. Ce n'est pas le toi manuel dans le couple. Du moins, vous formez plus un duo depuis quelques temps. Le couple, ça fait longtemps qu'il sommeille, jusqu'à l'extinction. Tu marmonnes, tu râles, tu avais besoin de Jack. Même si votre relation n'était pas au beau fixe, tu te rendais compte que tu étais bien incapable de gérer cet établissement sans lui. Mais il n'était pas là. Tu ne l'avais pas même pas vu s’éclipser, tu ne savais même pas depuis combien de temps il était parti. Tu pousses un soupir d'agacement et entends alors la cloche tinter. Tu décides de prendre ton temps pour le rejoindre, tu ne veux pas être demandeur dans cette histoire. Tu ranges ce qui traîne avant de te rendre compte que tu ne peux plus reculer, il fallait que tu l'affrontes, au moins que tu le rejoignes et que tu entendes ce qu'il a à te dire. Tu reviens en salle de mauvaise grâce et tu le vois un verre à la main alors que tu le rejoins derrière le comptoir. Tu retiens un « c'est ma bouteille, trouve-t'en une autre », tu ne voulais pas être à l'origine de la dispute que vous étiez sur le point d'avoir. Car oui, tu savais pertinemment que ça allait tourner au vinaigre. Mais tu avais ta petite fierté et c'était hors de question pour toi de lancer les hostilités. Pourtant, tu ne peux pas retenir un ton acerbe. « Tu trouves toujours le moyen de rappliquer après la bataille, c'est dingue. » Tu ricanes mais tu es agacé. Tu prends alors la bouteille et vides le reste du contenu dans ton verre resté vide. « Ta petite balade était bonne au moins ? » que tu dis avant de boire une gorgée du whisky que tu n'arrivais même plus à apprécier. Ta voix était teintée de reproches mais qu'est ce que tu pouvais y faire après tout.

Tu lui parles et ne reçois aucune réponse de sa part, tu ne bronches pas, il avait ses humeurs et tu avais les tiennes. Après presque dix ans, vous saviez comment l'autre fonctionnait même si la frustration était plutôt présente ces derniers temps. Des questions restées sans réponses, les gestes tendres qui ne l'étaient plus, des nuits froides souvent seul dans le lit. Vous aviez tous les deux vos torts, tu le savais mais tu étais trop fier pour reconnaître les tiens.  Pour le moment tu le vois sortir un joint et tu ne peux pas t'empêcher de lâcher un soupir de lassitude. Cette petite habitude t'était passée avec le temps, en prenant de l'âge. Pour Jack c'était l'inverse. Si toi tu voulais avancer, évoluer, tu avais l'impression que Jack ne cherchait qu'à régresser. Et tu ne pouvais décidément plus le supporter au quotidien. Il l'allume devant toi, il ne se rend même pas compte de l'affront qu'il te fait ou alors il le fait exprès. Tu n'en sais rien. Il sait pourtant que tu avais horreur qu'on fume dans le restaurant, tu le lui as dis bien des fois. Tu avais eu le droit à un hochement de tête, un petit sourire désolé avant qu'il récidive le lendemain. Toujours pas de réponse, tu perds patience petit à petit, tu te balances d'un pied à un autre, tu as besoin de bouger, de faire quelque chose. Et il parle enfin. Un mot. Le mot de trop pour toi car ce n'était pas celui que tu attendais. Tu te pinces l'arrête du nez, tu crois que ça va t'empêcher de t'emporter. Raté. « Tranquille ? Tu disparais toute la putain de journée et c'est tout ce que tu trouves à dire ? » Ta voix monte crescendo pourtant tu n'aimes pas crier mais là c'était plus fort que toi. Sa nonchalance te sortait par les yeux, tu avais juste envie de le secouer pour le faire réagir. Tu lui arraches son joint de ses doigts à vos pieds, peut-être qu'il en aura quelque chose à foutre ? « Merde, Jack ! T'es pire qu'un gosse putain... » Tu passes la main sur ton visage, tu es soudainement très fatigué, l'alcool n'arrangeait rien. Tu te rappelles de vos débuts, tout paraissait simple, l'insouciance même. Vous pouviez passer vos nuits dehors à fumer des joints ou en boite, ou les deux. Jamais vous ne vous préoccupiez de l'avenir. Mais les années avaient passé et vous aviez changé. Non, toi tu avais changé, Jack était resté le même. « Parfois, je sais pas ce qui me retiens de me barrer. » Le fait que tu l'aimes peut-être ? Mais est-ce que c'était encore le cas ? Au fond de toi, oui, tu le savais. Tu n'arrivais juste plus à le supporter.

Son flegme allait te rendre dingue. Toi, tu étais un passionné, limite à partir dans l'excès parfois. Mais tu ne supportais pas de le voir aussi impassible alors que ton sang bouillait. Parfois, tu avais besoin que l'autre en face ait du répondant, te donne du fil à retordre. Mais c'était pas pour ce soir apparemment. Tu ne tenais plus en place, tu te mets à faire les cents pas devant Jack. Tu étais quelqu'un de fier mais tu ne pouvais pas lui cacher qu'il te faisait tourner en bourrique, comme toujours. Pourtant tu aimais ça, du moins au début. Des situations comme celle-ci des années auparavant se seraient terminées contre un mur, tu l'aurais embrassé, déshabillé, lui aurait fait l'amour avec autant de passion dont tu étais capable. Mais ce soir, tu avais juste envie de baisser les bras et de quitter les lieux sans demander ton reste. Apparemment il t'avait prévenu qu'il sortait, tu hausses les épaules, tu ne te rappelles pas, tu es persuadé que cela t'aurait marqué. Ou pas d'ailleurs. Tu laisses couler, tu n'as même pas envie de relever l'information. Fini ou pas fini, tu venais d'écraser son joint et tu lèves les yeux au ciel, tu t'en contrefous. Le silence habituellement confortable est glacial, tu as juste envie de t'enfuir et de tout laisser en plan. Et apparemment tu as l'autorisation. Même ses yeux te montrent la sortie. Tu ne peux pas t'empêcher de tomber sur le cul. Tu es déçu et une petite moue s'installe sur tes lèvres. « D'accord, donc c'est ta façon de me dire de foutre le camp ? Tu ne vas même pas essayer de m'en empêcher ? » Alors tout allait se terminer ainsi ? Tu n'avais même plus envie de crier, tu étais littéralement blasé. « A quel moment on a merdé Jack ? » La gorge nouée, tu sentais les larmes te monter aux yeux. Tu ne savais pas où allait vous mener cette discussion, cette pseudo dispute, ou peut-être que si. Mais tu retardais l'échéance, tu voulais vous donner une chance. Une dernière.