JACK KERENSKI – feat. Milo Ventimiglia

« CAUSE I WAS STILL UNSURE, BUT IT'S SOMETHING I'M USED TO. »

JACOB « JACK » KERENSKI – 37 ANS – BRITANNIQUE – MIAMI LOCALS

RÉFLÉCHI – SOLITAIRE – AVENTURIER – SIMPLE – FAROUCHE – INTRÉPIDE – RENFERMÉ – INTROSPECTIF – DÉFAITISTE – USÉ & BRISÉ – FUYANT – LÂCHE – PHLEGMATIQUE – INDOLENT – FADE – BORNÉ – ANTICONFORMISTE – MÉLANCOLIQUE – CALME – RÉSERVÉ – CANCÉREUXSPEED DATING – « Qu'est-ce qu'un homme doit faire pour pouvoir avoir un sandwich au poulet par ici ? » Prononcée par un homme à la voix agacée et aux sourcils froncés, il s'agit là de la question à partir de laquelle tout à commencé. Jack, ce n'est pas un homme compliqué. Sa vie se résume même à une fuite éternelle des complications. Lorsque sa mère est décédée, Jack avait dix-sept ans. Son père n'avait pas assuré, ça, c'était le cas de le dire. Et Jack avait fini par abandonner ses études, trop occupé à essayer de faciliter la vie de sa mère pour avoir le temps de se concentrer sur la sienne. Il avait appris à faire le ménage. Il s'était mis à faire les courses, alors qu'il détestait faire la queue derrière les petites mamies, le vendredi après-midi. Il s'était même mis à aider sa soeur avec ses devoirs de mathématiques, alors que la géométrie, ça n'avait jamais été son truc. Ça a duré deux ans, ce petit cirque, pendant que leur père faisait des choses absurdes telles que défendre des combattantes du droit des femmes à la cour de la reine ou empêcher la déportation d'un réfugié politique. Qu'est-ce qu'il pouvait bien en avoir à foutre, de sa femme au nez rempli de tubes ? Il avait clairement bien mieux à faire. Mais pas Jack. Finalement, le décès de sa mère était la claque qui avait suffi pour lui faire comprendre que tous les efforts qu'il pourrait bien faire dans sa vie seraient en vain : le karma était une pute, et elle lui coûtait sacrément cher.

Alors, il s'est abandonné à ses instincts les plus primitifs. Il s'est noyé dans l'alcool comme il le faisait dans son chagrin, sans se demander si ses actions auraient des répercussions. Il volait de l'argent à son père et empruntait sa voiture, qu'il ramenait au petit matin avant de se faufiler dans sa chambre en cachette. Puis, un jour, la voiture percuta un arbre, à cinq heures du matin. Les réprimandes du paternel avaient été violentes. Sa honte et sa douleur, elles, profondes. Il lui avait dit des choses qu'il n'avait jusqu'alors jamais osé dire, puis il avait claqué la porte et il était parti. Avant de quitter le seul foyer qu'il avait pu connaître de sa vie entière, il avait fait ses adieux à sa soeur. « Ne t'en fais pas, je reviendrai bientôt. Je te le promets. »

Vingt ans plus tard, et Jack n'est toujours pas revenu. Il a créché sur le canapé de son meilleur ami avant que la mère de celui-ci ne décide que le bon à rien qu'il était avait suffisamment profité de son hospitalité, l'invitant poliment à plier bagages pour ne plus jamais revenir. Les mois suivants furent rudes, et il n'aime pas trop y repenser. Mais un jour, sa chance tourna, et Jack eut la possibilité d'aller aux États-Unis. Débuta ainsi la grande aventure de sa vie. Il était entré dans un diner, un jour, et il avait regardé le menu qui lui était totalement incompréhensible. Lui, tout ce qu'il désirait, c'était un bon vieux sandwich au poulet comme on en faisait, par chez lui. Comme sa mère en faisait, quand elle était encore en vie. Mais la carte n'en proposait pas et, exténué par ses quelques mois de road trip, son impatience s'était rapidement fait ressentir. Jusqu'à ce que son regard ne se pose sur lui, et que sa vie ne trouve un tout autre sens.

Débuta ainsi la grande histoire d'amour de sa vie. Elle a pu avoir ses hauts et ses bas, mais ce qui est sûr, c'est qu'elle était vraie. Ils ont fait les quatre cent coups ensemble. Ils ont dansé jusqu'à pas d'heure, s'égosillant dans les boites de nuit gays les plus undergrounds de la ville, s'embrassant passionnément sous les néons et le brouhaha des haut-parleurs. Ils ont fumé, ils ont plané, ils ont ri comme des imbéciles, mais des imbéciles heureux. Ils ont baisé, aussi, beaucoup, souvent, passionnément, sauvagement. Puis, ils se sont mis à faire l'amour.

Lorsque Cam a décidé qu'il était temps de s'assagir, ils ont commencé à se calmer. Mais Jack n'a jamais arrêté l'herbe pour autant. Il n'a pas vraiment évolué, en vrai. Il s'est contenté de remettre l'animal déchainé en lui dans sa cage et d'obéir, au pied et à la main, à tout ce que Cameron lui disait de faire. Il voulait lui faire plaisir, bien sûr, comme toujours. Alors il a refait les carrelages du restaurant et il en a repeint les murs. Il s'est occupé de commander les chaises et de faire imprimer les menus. Les années passèrent, la flamme se consumant lentement au fil des mois, puis des saisons. Il y avait toujours de l'amour, mais le confort de l'indolence avait fini par remplacer la fougue de la jeunesse et la fournaise de la passion. Mais Jack était content. Il avait ses bédos, son restaurant où il avait réussi à ajouter des sandwichs au menu (et pas qu'au poulet !), et la nuit, l'hiver, il avait quelqu'un à suffoquer entre ses bras pour rester bien au chaud. Ce petit manège dura bien neuf ans. Au final, peu de choses avaient changées, pour lui, tout du moins. C'était confortable. C'était calme. C'était serein. Et pour une fois, il avait même l'impression que le karma lui avait donné un passe droit.

Évidemment, la culpabilité de ne jamais avoir tenu sa promesse le rongeait, de l'intérieur. Il envoyait des lettres, parfois, ou des messages sur Facebook. Où il se contentait de regarder toutes ses photographies, en silence, sans vraiment oser lui parler, ni oser parler d'elle à Cameron. Pour son anniversaire, il mettait une bonne partie de ses économies dans un cadeau qu'il espérait susceptible de lui plaire, sans jamais en avoir la moindre confirmation. Ça s'arrêtait plus où moins à ça. Pas de facetimes, pas d'appels vidéos, ni même audios. C'était comme s'ils ne s'étaient jamais vraiment connus. Il regrettait, un peu, mais au final, il était heureux, tout de même.

Jusqu'au mois dernier. Au final, les choses avaient bien fini par se détériorer, avec le temps. Il se demande encore parfois comment ils ont pu en arriver là. Des engueulades tous les soirs. Des nuits tellement froides en été qu'il s'était retrouvé à s'acheter une couette supplémentaire pour tenter de réchauffer son petit coeur glacé par la distance qui le séparait de Cameron. Il dormait pourtant bien, là, à côté de lui, mais ils ne se touchaient plus. Ils ne s'embrassaient plus, ou plus vraiment. Ils ne faisaient plus l'amour, ils ne baisaient même pas. C'était à peine s'ils osaient se regarder dans le blanc des yeux. Ils travaillaient toujours ensemble, mais c'était devenu moins agréable, on souriait moins. Parfois, son coeur s'alourdissait en voyant le regard de Cameron se balader. Parfois, il se dégoutait en constatant que c'était les siens qui se baladaient. Mais le mois dernier, en sortant de l'hôpital ... C'est là que tout avait vraiment pris un autre sens. En rentrant, il n'avait pas dit un mot. Il ne s'était pas couché en même temps que Cam, pour la première fois en neuf ans. Lorsqu'il dormait profondément, Jack s'était infiltré dans cette chambre où il ne se sentait désormais plus que comme un intrus pour déposer un baiser sur le front de Cameron. Juste un. Parce qu'il avait envie de se rappeler de ce qu'était la tendresse. Cameron s'était réveillé, et pour la première fois en ce qui semblait être une éternité, ils avaient fait l'amour. Le lendemain matin, au réveil, Jack souriait et il fredonnait. Mais ce moment de répit fut bref, et insuffisant. Les disputes recommencèrent rapidement, et si lui tentait de faire un effort pour ne pas s'emporter, Cam n'y mettait vraiment pas du sien. Alors, Jack avait finir par retomber dans ses bonnes vieilles habitudes de râleur bougon. Les choses avaient atteint un point mort. Une dispute enflammée plus tard, Cam s'était retrouvé à lever les bras au ciel et à claquer la porte. Et Jack était resté là, comme un con, incapable, encore une fois, de dire les choses correctement. De faire ce qu'il fallait faire. Ou simplement, d'être suffisant.

Il s'était dirigé vers un bon vieux pub, dans lequel ils mettaient souvent les pieds, autrefois, avant que le temps et que les aléas de la vie n'essaient de les discipliner. Il avait salué le barman d'un simple hochement de la tête. Il ne le reconnaîtrait pas, mais ce n'était pas très grave, il avait fait ce qu'il avait à faire.

« Un sandwich au poulet, s'il te plait. Avec de la mayo supplémentaire. » Il contempla un instant le pathos indéniable de sa solitude, avant de jeter un oeil vers le gros caïd tatoué à sa gauche, qui buvait un truc qui avait l'air vraiment coriace. « Et donne moi aussi la même chose que le mec à gauche. » Alors que le barman s'en va vers les cuisines, il se surprend à parler tout seul. « Après tout, ce n'est pas tous les jours qu'on attrape un putain de cancer ... »

HOMME À TOUT FAIRE / RESTAURATEUR – FRAÎCHEMENT SÉPARÉ – CLASSE POPULAIRE

NEVER HAVE I EVER –

1. Je n’ai jamais eu le courage d'assumer mes convictions.
2. Je n’ai jamais eu l'ambition de m'élever dans la vie ni dans la société.
3. Je n’ai jamais tenu ma parole auprès de ma soeur, qui attend probablement encore que je revienne la chercher.
4. Je n’ai jamais accepté de renoncer à mon accent britannique, trop fier de mes origines et de mon individualité pour chercher à m'en débarrasser.
5. Je n’ai jamais refusé de partir à l'aventure, ce qui explique mes plusieurs années dépensées à faire des road trips.
6. Je n’ai jamais essayé de me réconcilier avec mon père, ou même d'éponger des regrets. Le passé, c'est le passé.
7. Je n’ai jamais voulu me marier : à quoi bon jeter de l'argent par les fenêtres ?
8. Je n’ai jamais réussi à me remettre de la mort de ma mère.
9. Je n’ai jamais imaginé un avenir sans Cameron.
10. Je n’ai jamais été amoureux d'autrui.

IN REAL LIFE – Toujours Ferdi(nand), toujours aussi bête. Pour en savoir plus, c'est par ici ou encore là. I love you