so lucky. [askja]

« Tu as vraiment beaucoup de chance. » Un sourire discret au coin des lèvres, Nóra se retourne vers son interlocutrice, la cafetière à la main. Ses yeux détaillent le visage d'Askja, qui semble ... Différente ? Difficile à dire. Les jeunes femmes ne se connaissent que réellement depuis peu, s'étant toujours croisées de vue, par le passé, sans jamais réellement s'adresser la parole. Ce n'est que lorsque Nóra a commencé à fréquenter Jökull que les demoiselles se sont réellement retrouvées dans un cercle de connaissances. Elles ont beau être très différentes, ce sont ces mêmes divergences qui font la force de leur amitié. Contrairement à bon nombre de personnes, Nóra ne fait pas partie des gens qui brillent en s'entourant de clones d'elle-même. Ce qui la fait évoluer, c'est les harmonies dissonantes à sa mélodie, les accords majeurs à ses notes mineures. Si elle n'est pas mordue de voyages, c'est les aventures des autres qui nourrissent son imagination et assouvissent son désir d'évasion. Askja a beau ne pas avoir quitté le pays pour le moment, l'islandaise ne peut déjà pas s'empêcher de lui imaginer des péripéties aux quatre coins du globe. « Tu pars quand ? » lui demande-t-elle finalement en lui servant une tasse de café. « Tu dois avoir hâte. » remarque-t-elle finalement dans un sourire.

Une lueur amusée, tendre aussi, éclaire le regard d'Askja tandis qu'elle acquiesce. La fausse modestie l'agace bien trop pour qu'elle en joue elle-même. C'est vrai, oui, c'est assez dingue comme opportunité. Si elle est loin de venir d'une famille défavorisée, bien au contraire, elle n'aurait pourtant jamais eu les moyens, à elle seule, de s'offrir un tel voyage dans une suite magnifique. Une croisière sans doute, mais pas à un tel standing, et certainement pas pour une si longue période. Le magasine justifie ce choix en arguant que pour un voyage d'une année, le confort et la qualité sont indispensables. Tout quitter pour faire le tour du globe est une chose, le faire pour le boulot en est une autre. L'islandaise récupère la tasse de café en remerciant son amie d'un signe de la tête. Je pars lundi. Tout s'est précipité, c'est à peine si elle a correctement eu le temps de se préparer pour le voyage. Avalant une gorgée de café brûlant, elle relève le nez vers Nora. Je suis impatiente, ouais, mais un peu anxieuse aussi... C'est long, un an, j'espère que je rencontrerais rapidement du monde sur le bateau.

Nóra ne réfléchit même pas avant de surenchérir par un simple : « L'opportunité n'est pas non plus sans mérites. » Sa phrase est emprunte de maturité et d'un avertissement docile : il est important de ne pas mettre au second plan ses accomplissements. Si Askja a la possibilité de voyager, elle n'a pas simplement été tirée au sort dans une loterie : elle a travaillé dur, et la qualité de son travail a parlé en sa faveur. La bouche de Nóra s'entrouvre cependant légèrement lorsqu'Askja lui annonce la date à laquelle son voyage débutera. « Oh. » Elle semble légèrement confuse. La voilà qui fronce des sourcils, sans vraiment dire un mot de plus. Comme souvent, Nóra réfléchit. « C'est assez soudain. » constate-t-elle finalement, sans vraiment faire part d'une opinion quelconque. Elle était juste surprise par la rapidité des choses, au final. Dans sa vie à elle, tout avance à un rythme de croisière. Elle pourrait passer des années, encore, à vivre sur cette île sans jamais la quitter. Oui, Nóra le pourrait aisément ... Mais Askja part lundi. Elle n'aura même pas le temps de lui organiser une fête d'au revoir avec tous leurs amis, du moins, pas à la même échelle qu'elle le pourrait si elle avait un peu plus de temps. Et puis Jökull et son frère ne reviennent pas de Grindavík avant jeudi ... Askja lui avoue avoir quelques appréhensions concernant le voyage. Un sourire compatissant se dessine alors sur les lèvres de l'islandaise. « C'est normal d'être nerveuse avant un si gros changement, je pense. À ta place, je ne m'inquiéterais pas trop : tu sembles toujours avoir tant d'aise à parler aux gens. » Askja n'est pas forcément la fille la plus bavarde au monde, mais cela ne change rien au fait que la jeune femme a le contact facile, lorsqu'elle le désire. Nóra ne saurait vraiment l'expliquer, ce petit quelque chose qui fait qu'on a l'impression d'être au calme en sa compagnie. Tout ce qu'elle sait, c'est que la jeune femme se fera des amis pendant son aventure, c'est inévitable ; une évidence, même. « Tu en as parlé avec ta famille ? » se permet-elle finalement de demander avant de boire une gorgée de café. Si Nóra n'est pas du genre à s'intéresser aux commérages, elle se demande comment son père réagirait si elle lui annonçait qu'elle partait le lundi pour une durée d'un an. Non, elle est incapable de s'imaginer l'issue d'une telle discussion, tant la situation lui semble implausible. Pour Askja, cela dit, c'est une autre histoire : son voyage à elle est une inévitabilité, à ce stade.

La surprise se lit un instant sur le visage de la jeune-femme, pas tant à cause du sens de la réponse, mais plutôt dans sa forme, dans son étonnante sincérité, dans la façon impulsive dont elle a été formulée. « Non, c'est vrai... » Askja n'est pas réputée pour faire preuve de fausse modestie, et si elle n'est pas non plus du genre à se vanter outrageusement dès que l'occasion se présente, elle sait reconnaître ses qualités, aussi bien que ses défauts d'ailleurs. Et son amie voit juste, elle a travaillé d'arrache-pied pour se faire une place au sein de l'entreprise, et ça fait bien longtemps qu'elle ne compte plus ses heures. De là à dire qu'elle mérite sa place, durant un an, à bord d'une croisière de luxe... Disons que la récompense lui semble quand même légèrement démesurée !

Elle croit déceler, à tort peut-être, une légère pointe de déception dans l'expression qui se lit sur le visage de Nóra, et un sourire touché se dessine sur ses lèvres. « Tu me connais, la patience n'est pas mon fort... Au moins ça ne me laisse pas le temps de cogiter. » De se demander si c'est une bonne chose ou non, d'avoir peur de faire une erreur... Agir sans réfléchir, c'est encore ce qu'Askja fait de mieux.

« Je leur en ai parlé, oui... » Elle dodeline de la tête, pour signifier que la conversation est somme toute restée dans des zones assez sûres. « Ils ne sont pas enchantés à l'idée de m'imaginer me dorer la pilule pendant toute une année, parce que c'est exactement ce qu'ils s'imaginent que je vais faire... Mais je crois avoir réussi à leur faire comprendre que ce serait un vrai tremplin pour ma carrière... De toute façon avec une telle distance entre nous, on va avoir du mal à se prendre la tête sur le sujet. » Avec ses parents, tout est de toute façon sujet à prise de tête.

so lucky. [askja]

so lucky. [askja]

Re: so lucky. [askja]

Re: so lucky. [askja]

Re: so lucky. [askja]

Re: so lucky. [askja]