d'accord. et en anglais ça donne quoi ? BROOK

C'est dingue, il y a de tout ici. Et il ne ferait presque pas froid. Avec un tel pull en laine sur le dos, pas étonnant en même temps. Tu avais craqué en le voyant, d'un jaune tape-à-l’œil et d'un style très c'est grand-mère qui me l'a fait, te sentant obligée de l'acheter. Il gratte, pique même, mais à l'idée de le porter en soirée de gala organisé par les Kennedy te décide à le garder. C'est fou, tu songes déjà au retour. Une année c'est long, tu as le temps d'y penser. Le portable qui vibre, tu le sors de ta poche pour pianoter ardemment : heureusement que le roaming est gratuit sur ton abonnement. Ton chef cherche éperdument un dossier que tu as malheureusement ramené chez toi, la veille de votre départ sur le Pacific. Merde. Solution rapidement trouvée : quand on travaille en famille, y a toujours moyen d'arranger la situation. Ton père lui apportera ledit dossier demain. Soupir soulagé, tu ranges le téléphone à sa place et continues ta marche. Il y avait même des livres, des BDs, mais ce que tu cherchais désespérément était le rayon culinaire. Tu observes un énième étalage - proposant des déguisements et des vieux bidules que tu ne toucherais pas avec un bâton - avant d'enfin déceler une odeur de nourriture. Avec trop d'empressement, tu zigzagues entre les flâneurs et les habitués avant de heurter comme par hasard une vieille connaissance. Ton expression réjouie retombe, le quidam a réussi à faire déserter ton sourire. " Quelle chance j'ai. Salut Brooklyn. " Le sarcasme dégouline, aucune chance que tu t'excuses de l'avoir bousculé et être aimable te ferait trop mal. Pas vraiment surprise, tu sais bien qu'il a également embarqué à bord de l'énorme navire. Tu pensais juste pouvoir échapper aux retrouvailles. Tu regrettes la présence de ton frère, affronter les fantômes du passé c'était plus marrant à deux.

Depuis combien de temps s'est-il perdu au milieu de tous ces stands de nourriture ? Il n'en a strictement aucune idée, son palet se délectant cependant de toutes les délicieuses spécialités qu'il découvre depuis son arrivée au marché de Kolaportið. Il avait essayé d'apprendre à prononcer le nom correctement, d'ailleurs, parce qu'il est comme ça, Brooklyn, et que quand il s'intéresse aux choses, il cherche à le faire proprement, mais Google Traduction n'avait pas su lui offrir d'autres indices qu'une voix robotisée répétant machinalement ce qui semblait être les sons : Kro – lah – porc – tïd. Ça semblait presque aussi bizarre que l'orthographe, et malheureusement pour Brooklyn, il n'avait pas d'autre option que d'utiliser cette prononciation approximative. Bien évidemment, sa chance n'avait pas non plus choisi de lui tourner le dos, expliquant pourquoi toutes les demoiselles à qui il s'amusait à déclarer quelques mots en islandais se mettaient à glousser avec timidité et délectation. Dégustant ce qui devait probablement être sa troisième brochette de crevettes, le millionaire est tellement perdu dans son expérience culinaire qu'il ne regarde pas où il marche et bouscule ... Quelqu'un. Se propulsant de nouveau dans le monde réel, le voilà qui semble particulièrement sonné lorsque ses yeux reconnaissent Ava, une ombre de son passé que le temps avait assidument oeuvré à effacer de sa mémoire. Malgré tout, c'était bien elle (ou un sosie particulièrement convainquant) qui venait de lui rentrer dedans. Il cligne des yeux, une fois, puis deux, avant de marquer son étonnement par ces propos. « ... Ava ? Mais ... Qu'est-ce que tu fabriques ici ? » Sa voix ne trahit aucune émotion autre que la stupeur. En effet, pour le meilleur et pour le pire, leur histoire était si profondément enterrée dans ses souvenirs que c'était à peine s'il s'en souvenait, et encore moins pourquoi elle n'avait pas marché. Mais elle, il ne l'oubliait pas. Ava. Et ses cheveux noirs de jais.

Tu as l'impression de te retrouver dans un de ces films qu'ils diffusent en période de Noël, là où tous les clichés se rejoignent pour former un joli ramassis de drama et de conneries. L'étonnement de Brooklyn pourrait presque te faire grincer des dents. Même s'il y avait de ça des années que vous aviez rompu, le souvenir de votre séparation s'était réveillé en même temps que tu l'avais entre-aperçu au bar du Pacific. Pas que cette amourette ait duré ou brillé de par une passion dévorante, plutôt que le souvenir amer de sentiments non réciproques était tenace. Tu te souviens même avoir aimé te plonger dans ses yeux bleus, les mêmes qui, aujourd'hui, sont surmontés de sourcils haussés. Il te toise de toute sa hauteur, tu réprimes une envie de te mettre sur la pointe des pieds. " Je suis aussi sur le Pacific. Mais je dois avouer que je n'avais pas prévu que tu y serais aussi. " Ta frimousse renfrognée se détend lorsque tes yeux tombent sur une brochette qu'il tient dans sa main : des crevettes. Ton ventre gargouille timidement, chassant un peu les ressentiments arbitraires que tu éprouves à l'encontre de celui que tu avais appelé Brook par le passé mais dont, à présent, tu t'efforçais de prononcer chaque syllabe de son prénom. " Je t'ai vu à la soirée d'ouverture, juste avant le départ. " Toujours en charmante compagnie, tu avais bien reconnu là le milliardaire à qui tout souriait. Remarque acerbe et certainement inutile, tu décides de continuer sans lui en laisser le temps : " Je peux savoir où tu as eu ça ? Parce que j'ai vraiment faim. ", tout en pointant du doigt ce qu'il tient dans sa main. La faim te tiraille et ton attitude impérieuse n'est qu'une façade pour l'empêcher de croire que votre rencontre te bouleverse plus qu'elle ne devrait.

Lorsque son ancienne flamme lui avoue être du voyage, elle aussi, plusieurs questions fusent dans le cerveau du blond, notamment comment il avait fait pour ne pas se rendre compte qu'ils occupaient un même bateau et pourquoi il n'avait pas tiré cette conclusion de par lui même lorsqu'il s'était interrogé sur la raison de la présence de la Kennedy dans les parages. « Il faut croire que le monde est petit. » déclare-t-il finalement en haussant des épaules. Brook est un homme simple, après tout : il n'a pas besoin de beaucoup plus d'explications. Il est un peu vexé d'apprendre qu'elle l'avait remarqué mais qu'elle n'était pas venue à sa rencontre et s'apprête à le lui signaler avant de se raviser, se rappelant que depuis sa montée sur le bateau, son aventure a été ponctuée par un intensif jeu de séduction en quête de la plus belle des belles. Ce n'était pas étonnant qu'Ava n'était pas venue à sa rencontre : il était trop certainement bien trop occupé pour la remarquer et à sa place, il ne se serait pas non plus dérangé dans ses élans de macho patriarchal. Ava lui demande alors des renseignements sur ses crevettes, mais après leur avoir jeté un dernier regard empli de désir, l'Américain se résigne à être généreux. Ça lui fend un peu le coeur en deux de devoir partager son butin mais Ava mérite bien ça. Au moins ça. « Tiens, prends les. C'est cadeau. » Il lui tend alors la brochette avant de se gratter les cheveux, légèrement gêné. « Sinon, ça te dirait pas d'aller quelque part, genre ... Un restaurant ? Je doute que les crevettes te donneront satisfaction bien longtemps. » Peut être même que comme ça ils pourraient parler. « Ou sinon on peut faire le tour des stands ici ... C'est moi qui invite ? » Façon de lui demander de ne pas s'échapper à la première opportunité.

Tu parviens à t'adoucir alors que tes doigts se referment sur la brochette de crevettes que Brooklyn t'offre. Il n'avait pas changé, toujours aussi généreux, c'est ça que tu avais le plus apprécié chez lui. Tu avais beau eu le prendre pour quelqu'un de hautain, il avait fallu creuser un peu pour définitivement tomber sous son charme. Brève histoire pourtant, puisque tu n'avais pas su y trouver ton compte, comme d'habitude. Tu retiens une réplique sarcastique à sa constatation : oui, le monde était petit. Et ce genre de remarque était surtout servie aux personnes que l'on ne souhaitait pas forcément croiser. Tu le remercies d'un sourire timide pour son cadeau - rictus gêné en guise d'excuse pour ton accueil froid - et t'apprêtes à croquer dans le lot de scampis avant d'en déguster avec application le goût. Sa proposition te surprend, tes sourcils se lèvent alors que tu termines de mâcher. " Tu sais que je suis pas du genre à refuser une bouffe. " Un plateau Macdo ou un repas dans un restaurant gastronomique restait, pour toi, une bouffe. Cela pouvait paraître un poil vulgaire, mais tu avais simplement gardé la spontanéité de ton enfance. Tu apprécies l'arrière-goût somptueux de ta dernière bouchée, tout en levant la main à l'adresse de ton interlocuteur. " Il faut quand même que je te rembourse ça. C'est super. C'était à quel stand que tu l'as eu ? " Une manière pour toi d'accepter son invitation, feignant l'indifférence. Faire la paix avec son passé, respirer, pardonner, se détendre, prendre moins les choses à cœur, tellement de conseils - que tu prenais pour des reproches - venant de tes proches. Au final, peut-être que vous auriez des choses à vous dire, à vous raconter, sans pour autant retomber sur vos quelques semaines passés ensemble. " Depuis combien de temps on s'est pas vu, Brook ? Tu fais quoi maintenant de ta vie ? A part minauder sur le Pacific. ", que tu lances sur le ton de la conversation, un sourire moqueur aux lèvres, vous dirigeant tous deux de concert vers le rayon nourriture. Non il n'avait pas changé, mais ça faisait du bien de voir que tout le monde ne changeait pas.

Un léger rire s'empare de lui face à la réponse de la brune. « Tu m'en vois rassuré. Je n'avais pas particulièrement envie de déjeuner avec le mur d'en face. » plaisante-t-il sans malice. Déjeuner seul ne le dérange pas, en temps normal, mais Brooklyn n'est pas un homme extraverti pour rien : la compagnie humaine reste primordiale à ses yeux. Quelle autre raison l'aurait poussé à créer une application de rencontre ? Il n'y en a aucune, tout simplement, si ce n'est la motivation de trouver un peu de compagnie, ne serait-ce que le temps d'une nuit. Lorsqu'Ava lui parle de remboursement, Brook fait un geste vague de la main, avant d'expliquer, d'un ton désinvolte : « Laisse, c'est pas grand chose. Je peux bien t'offrir ça. » Son compte en banque est tellement garni qu'une brochette de crevettes ne risque pas de le mettre dans le rouge. « Je l'ai eue par là bas, mais je crois que c'était la dernière. » explique-t-il alors en désignant un stand qui, effectivement, semble en train de fermer à cet instant précis. « Mais il y a plein d'autres choses qui ont l'air pas mal aussi, enfin, si tu es aussi bon public que moi en tous les cas. » Malgré son statut de nouveau-riche, Brook reste Américain de sang et d'éducation : simple, ignorant et facile à satisfaire, en toutes circonstances. Lorsque la Kennedy lui demande combien de temps cela fait depuis leur dernière rencontre, c'est un Brooklyn pensif qui lui fait face. « Je ne sais pas. Trop longtemps ? C'est vraiment chouette de te voir, là. » Il est sincère, sur toute la ligne. Lorsqu'elle lui demande finalement ce qu'il fait, il hésite entre la fierté et la modestie avant de se décider à jouer la carte de la modestie. Se grattant légèrement le dos du crâne, comme gêné, le voilà qui commence à raconter son histoire. « Je ne sais pas si tu te souviens de la start-up que Jayden et moi on avait pensé à faire, à l'époque ? » Un silence marque quelques secondes, le temps de préparer la phrase suivante. « Il s'avère que l'idée a plutôt plu aux investisseurs. » annonce-t-il finalement.

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