SACHA CADWALLADER – feat. matthew daddario

NOVEMBRE 2004 - L'adolescent n'ose à peine affronté le regard assassin de sa tante. Elle est déçue et lui aussi. Il ne sait pas vraiment pourquoi il fait tout ça, mais il le fait. Malheureusement dans les quartiers pauvres de Wellington, les seules fréquentations que l'on peut avoir ne sont pas toujours bonnes, mais c'est dans ces seules fréquentations que Sacha trouve des amis, un semblant d'entourage à part son oncle et sa tante. Thom et tous les autres, il les considère un peu comme une famille même s'il ne sait pas vraiment ce que c'est. Une fois dans le salon, il se sent mieux. Faut dire que les cellules du poste de police n'est pas ce qu'il y a de plus chaleureux ou de confortable, mais là tout de suite, ça n'aurait pas été aussi mal. C'est mieux que l'averse de sermon dont il a droit. Ses oreilles finissent par filtrer les sons, et le jeune homme n'en bronche pas une à moins de vouloir envenimer la situation. Une fois qu'elle se relâche un peu, qu'elle reprend un peu des couleurs, il ose enfin prendre la parole. « Jane, pourquoi on reste ici ? » Il pense l'avoir perdue un instant. Elle fronce les sourcils, ne comprenant pas l'origine de cette question sortie de nulle part alors qu'elle a encore en tête le fait d'être allée chercher son neveu en garde à vue. Mais elle prend une grande inspiration puis lui répond plus sereinement cette fois-ci. Il croit même apercevoir un petit sourire narquois sur ses lèvres mais il n'est pas sûr. « Tu n'es pas bien ici ? » « N-Non.. C'est pas ça, c'est juste que.. Enfin regarde, la vie ici est rythmée par les sirènes des pompiers, les casses de voitures, les poubelles brûlées, les règlements de compte, les arrestations de dealer... les braquages de supérettes... » termine-t-il à demi-mot. Un sujet toujours aussi sensible sur lequel il n'a jamais voulu s'étendre, c'est pourquoi il enchaîne assez rapidement avec plus d'entrain. « On pourrait aller vivre autre part, trouver du travail ! Un meilleur travail ! On gagnerait plus et... Et on aurait la belle vie. » Oui bon, il avait fait un très grand raccourcis de sa pensée, mais l'idée à retenir était de quitter cet endroit. « Sacha, il y a des choses que l'argent n'achète pas. Nous ne sommes peut être pas riches, mais au moins, nous, nous sommes heureux tous ensemble et c'est tout ce qui compte. » L'argument que l'on peut entendre à la pelle ici, ce n'est pas nouveau. Il baisse la tête pour cacher un soupir d'exaspération et de mécontentement, histoire de terminer la bataille ici et de donner le semblant de victoire à sa tante. « Oui, tu as raison. » Mais ce n'est pas ce qu'il voulait dire. Il sait que ce que lui et les autres font ce n'est pas forcément bien, mais il est en colère. C'est la colère qui et l'indignation qui font réfléchir les gens ici dans leur cité. Et autant dire que ça ne lui convient pas. Il ne comprend pas comment on pouvait se complaire avec une vie pareille. Loin d'agir en enfant gâté, ce qui est loin d'être le cas, il sait qu'il vaut mieux que ça. Sa famille mérite mieux que ça. Et l'idée de terminer sa vie ici le répugne, mais pour le moment, il ne pouvait rien y faire. Alors il marche à reculons avant de finir les derniers pas en marche avant jusque dans sa petite chambre, se laissant tomber sur le lit, le regard fixé au plafond. Non, il ne finirait pas sa vie ici. Un jour ou l'autre, il partirait.

AVRIL 2008 - « T'es pas sérieux... Dis-moi que t'es pas sérieux Thom.. » Le rire nerveux qui l'avait pris s'arrête net lorsqu'il comprend que son ami est on ne peut plus sérieux. Il avait prévu son coup depuis plusieurs mois, sans en faire part à Sacha, puisque sa loyauté au petit gang semblait battre de l'aile depuis un bon bout de temps. « Tu peux pas faire ça ! Tu sais ce que tu risques si tu te fais choper ? Si vous tous vous vous faites choper ? » rectifie-t-il en désignant chacune des personnes présentes et complices. Il n'a pas peur de se mettre les gens à dos, même si ces gens font partie d'un gang, mais le fait qu'il connaisse bien change un peu la donne il doit avouer. « On ne se fera pas choper. On a prévu le coup depuis longtemps et d'ailleurs, on ne te remercie pas de ton aide. » L'échange de regard assassin sous le regard médusé des autres autour. Bon sang, Sacha prie pour que Thom ne s'aventure pas plus loin sur ce terrain, qu'il ne cherche pas à lui trouver des torts. La mâchoire serrée, il encaisse et tente de se concentré sur sa respiration pour ne pas s'énerver davantage. « Monsieur quitte le navire et ose trouver quelque chose à redire. » Thom plaisante, il le sait, mais ça a du mal à passer pour Sacha et le jeune homme se contient pour ne pas répondre. C'est ça où son poing part sans le vouloir. « Mais je te pardonne. En fait, si on est ici, c'est parce qu'on veut tous que tu nous accompagnes sur ce coup, comme au bon vieux temps. T'es malin, rapide, t'as les yeux partout. On peut pas s'passer d'un atout comme toi. » Thom lui donne une tape dans le dos. Une tape qui se voulait amicale mais quand on sait l'état dans lequel se trouve Sacha, il ne valait mieux pas s'approcher de trop près. « Alors ? Tu te joins à nous ? » Sacha fronce les sourcils. Il prend de longues secondes de respiration, à les regarder tous dans les yeux, comme si chacun tour à tour lui donnait la motivation d'accepter la besogne, l'encourageait à les rejoindre. Sacha finit par reposer son regard sur Thom. Son ami. Son frère. Celui qui a toujours voulu son bien. Il rit jaune quand il repense aux bêtises qu'il a pu croire. Un léger sourire narquois étire ses lèvres, laissant penser à une réponse positive. « Allez tous vous faire foutre. » Ni une, ni deux, il tourne les talons et se dirige vers le vieux taudis qui lui sert de bagnole sous les yeux médusés du comité. Ils n'ont pas l'habitude de se voir refuser des propositions, alors faut leur pardonner. Il peut les entendre crier, lui hurler des obscénités à la figure, mais il ne prend pas la peine de se retourner : C'est comme ça que tu nous remercie ? Sans nous, t'es personne Sacha ! Tu peux essayer de te convaincre ou faire semblant d'être quelqu'un, ça ne changera rien ! Il allait leur montrer à ces crétins s'il n'est personne. Watch me, leur dit-il mentalement, alors qu'il s'engouffre dans la voiture.

DIX ANS PLUS TARD ...

« Tu sais quoi, je vais te créer un profil sur le champ ! » Sara, son amie et accessoirement collègue de bureau se retourna vers son ordinateur et commençait à cliquer et pianoter à tout va. Sacha ne daigna pas vraiment tourner la tête pour regarder ce qu’elle faisait même s’il devait bien avouer qu’il était bien inquiet sur ce qu’elle trafiquait pour lui. Elle avait passé les deux dernières heures à lui parler d'elle, de son mec avec qui elle file le parfait amour depuis deux ans, de la préparation de son mariage, etc. C'est naturellement que la conversation avait fini par être centré sur le cas du désormais jeune ingénieur en informatique. Si à un certain moment, tout avait semblé si facile au début, ça n'avait pas duré très longtemps. Ce n'était pas simple, ce n'était pas toujours rose comme ce que sa collègue vivait. Et quand dans certains moments il avait l'impression d'être heureux, quelque part il sentait que quelque chose clochait et ça le frustrait.
Il en avait fait du chemin le Cadwallader depuis. Il avait cessé de faire certaines bêtises si on peut dire ça comme ça, et plutôt reporté son attention sur ses études, le boulot, son avenir et le peu de proches qui lui restait. Cela fait dix ans qu’il évite toute erreur, ou autre faux pas. Peut être était-il temps de passer à autre chose. « Eh tiens, c’est quoi ça… Pacific Star ? » le jeune homme désigna alors la photo qui vendait du rêve en un cliché qui apparaissait alors sur la fenêtre internet ouverte de sa collègue. Le début de son nouveau départ.